Une petite zone pierreuse permet d’approcher de l’eau sans risque. Nous nous plaçons de façon discrète près de l’ombre dispensée par quelques feuillus frais pour installer un petit coin apéro et repas sur notre caisse Rako, avec vue directe sur le bras de mer dont l’eau clapote à proximité immédiate. Il est environ, 14H00, le temps est superbe, le paysage pas mal du tout, seuls quelques véhicules se font entendre sur la route passant derrière, tout va bien pour cette pause de milieu de journée. En pleine préparation de l’en-cas et du coin repas, nous entendons un véhicule ralentir puis s’arrêter un peu plus loin sur le bas-côté. Peu après, un homme s’approche et nous demande s’il peut venir stationner son C-C à cet endroit. Malgré un certain désappointement, nous n’avons bien sûr aucune légitimité à décider de l’accès à cet endroit et enjoignons aussi chaleureusement que possible notre nouveau voisin à venir partager ce lieu ouvert à tous. Muni de ce blanc-seing, il s’empresse de manœuvrer son engin et vient le poser près de nous. Très près ! Il positionne son gros véhicule à moins d’un mètre le long de la cellule, au point que la portière du pick-up ne pouvait s’ouvrir complètement sans toucher le C-C ! Je suppose que c’est l’habitude de passer leurs vacances sur des parkings qui conduit à ce réflexe étrange alors que la place ne manquait pas pour créer un peu de distance… Notre intimité s’en trouve forcément un peu atteinte et le plaisir d’être là décroît un peu. Elle va continuer à décroître quand un second C-C arrive sur les lieux avec grand fracas puisque le châssis rase moquette du véhicule racle en plusieurs endroit sur la pierraille lors des manœuvres faites sans grande précaution pour la mécanique et la carrosserie. Celui se place à quelques mètres, face au précédent, quasiment les roues dans l’eau. Le silence se remplit d’abord des bruits de moteur pour placer des cales sous les roues en dépit du bon sens, puis des conversations animées et bruyantes entre les deux couples qui s’étaient donc donnés rendez-vous ici, pour une installation durable, visiblement. A peine arrivés, les cannes à pêches sont déployées et l’homme s’installe sur les pierres pour taquiner la faune aquatique qui ne demandait rien, à quelques longueurs de bras seulement de notre table improvisée, en se croyant obligé de nous abreuver de commentaires peu pertinents, voire même désobligeants. En s’imposant ainsi de façon assez cavalière, pour le moins, ces deux C-Cistes ont donc réussi à perturber la sérénité des lieux, puis à nous chasser et à prendre possession de l’espace en le privatisant sans beaucoup de civilité. Nous avons donc quitté les lieux, en nous faufilant tant bien que mal entre les deux véhicules scotchés, et en déplorant ce comportement emblématique des nouveaux vacanciers sans gêne. Cet endroit plutôt agréable pour une pause d’une heure ou deux a donc été colonisé, pour au moins le week-end, et peut-être bien dans la durée, par des gens qui se satisfont d’un lieu de campement de bord de route.
Rien de plus à ajouter, même si d’autres exemples seraient à même d’illustrer cette pollution visuelle constituée par tous ces gros vers blancs agglutinés qui grouillent sur les paysages de ce pays sublime, comme une plaie infectée.
Par ailleurs, nous avons pu échanger avec des gens charmants, souvent rencontrés lors des attentes parfois longues sur les embarcadères de bacs et ferries. Une famille bien dépitée par la panne inattendue (forcément...) de leur VW T4 qui refusait de redémarrer. En fait, le coupleur-séparateur défaillant avait vidé la batterie de démarrage, et il a suffit de leur fournir un peu d'énergie par les câbles pour sortir (provisoirement) de ce mauvais pas. Leurs deux jeunes enfants nous rappelaient les nôtres lorsque nous voyagions en famille tous les quatre. Nous avons longuement devisé avant de repartir chacun vers nos bivouacs respectifs à la sortie du ferry sur la rive opposée du fjord, avec une liste de quelques lieux à découvrir pour un prochain voyage. Un couple venant de Suisse en HZJ 78, s'est installé pour déjeuner en même temps que nous dans la file d'attente d'un autre ferry. C'était le 16 juillet, et il furent plein de compassion pour notre pays ensanglanté lors de la fête nationale de l'avant-veille, et pour les autres évènements tristement survenus dans d'autres pays d'Europe ou du monde dans la période récente. Un échange très riche sur les voyages et la façon dont va (ou ne va pas) notre monde. Et d'autres encore, comme ce couple d'encore jeunes sportifs voyageant en Sprinter 4x4 CS Reisemobile, ou ces motards courageux abrités de la pluie par un simple tarp dégoulinant, par exemple, qui ne sont pas imposés ostensiblement mais ont juste partagé un peu de temps et d'espace en toute sensibilité.